Les petits pas du roi n’ont pas suffi à atténuer la revendication de démocratie au Maroc. Malgré l’accueil favorable de Paris et
son amplification par la presse de France, le mouvement du 20-Février considère que les réformes annoncées restent en deçà de la norme d’une réelle démocratie.
Pourvu que Sarkozy,
sous prétexte d’intervenir en faveur de la démocratie en Libye, ne s’aventure pas à la tentation de prescrire la norme démocratique à l’intention des peuples du Maghreb !
Beaucoup reste à faire dans cette région pour une révolution qui ne fait que commencer. Et les pays de l’Otan, engagés en Libye auront, pour longtemps encore, fort à faire. Le cas de la Syrie
est en train de rappeler à la communauté internationale qu’elle n’est pas encore en mesure d’influer considérablement sur les destins nationaux et que, de toute manière, elle ne peut agir,
indistinctement, dans tous les pays avec la même efficacité. Le déficit de justice internationale dans la question palestinienne délégitime son immixtion dans les processus politiques internes
aux États du Moyen-Orient. Chaque puissance étant contrainte de distinguer, parmi les dictatures du monde, celles qui la dérangent de celles qui l’incommodent, il n’y a pas possibilité d’une
règle de conduite envers les différents mouvements nationaux qui constituent la vague revendicative de changement que traverse la région Meda.
Dans sa précipitation à déclarer suffisantes les concessions de Mohammed VI aux revendications démocratiques de son peuple, la France rappelle Francis Blanche dans le sketch où Pierre Dac joue
le rôle d’un mage tout-puissant, le Sâr Rabindranath Duval : avant que le magicien n’ait à opérer le miracle, Blanche, son assistant, s’écrie à l’adresse du public : “Il peut le faire, Mesdames
et Messieurs !”
La communauté internationale a ceci de handicapant quand elle se met à s’engager dans les débats politiques nationaux, notamment en Afrique et au Moyen-Orient : elle est contrainte d’intervenir
par puissances nationales interposées qui, nécessairement, agissent en fonction de leurs intérêts et de leurs rapports au régime contesté et au régime pressenti pour sa succession. Ainsi, ce
n’est pas en fonction de la dose de démocratie que renferme leurs régimes respectifs, que la communauté internationale s’accommoderait de la pérennité de certaines dictatures et se réjouirait
de la chute d’autres. Si le dictateur toléré n’a pas encore tiré sur sa foule, et qu’en plus il se lance dans un processus de réforme politique, les puissances “amies” n’ont plus qu’à applaudir
cette évolution spontanée et à se faire les témoins désintéressés, auprès des peuples concernés, de cette volontaire mutation. L’empressement français à soutenir la réplique du roi à la demande
de changement exprimée par la jeunesse marocaine tend à peser finalement sur les limites du changement exigé. De la même manière que Chirac voyait de vrais droits de l’Homme dans le régime de
Ben Ali et de la démocratie dans le second mandat de Bouteflika, Sarkozy trouve un saut démocratique dans le discours de Mohammed VI.
Comme le régime algérien a adopté le même style de réaction aux aspirations de liberté — un lent processus réformiste maison —, il y a des chances qu’il bénéficie de la même bienveillance
amicale. Et certains signes ne trompent pas sur la connivence retrouvée avec l’ennemi intime.
M. H.
musthammouche@yahoo.fr